Opus Pokus

Le premier monstre d’Hugo, Han d’Island…

Han d’Islande est un roman gothique de Victor Hugo, publié en 1823. Victor Hugo le commence très tôt, lorsqu’il a 19 ans. On peut donc vraiment considérer qu’il s’agit de son premier roman.

Originaire d’Islande, Han est un brigand sanguinaire qui sème la terreur dans la Norvège de 1699.

Extrait :

« Une tête effroyable se leva de l’autre côté de l’autel druidique, avec des cheveux rouges et un rire atroce. Le monstre sortit entièrement de dessous l’autel et montra ses membres trapus et nerveux, ses vêtements sauvages et sanglants, ses mains crochues et sa lourde hache de pierre.

Le petit homme, debout sur l’autel, comme une statue sur son piédestal, semblait une des horribles idoles qui, dans les siècles barbares, avait reçu dans ce même lieu des sacrifices impies et de sacrilège offrande.

Son affreux visage présentait une bouche sanglante et des dents de bête fauve. Il ne parlait plus ; aucune parole humaine ne s’échappait de son gosier pantelant ; un mugissement sourd, entremêlé de cris rauques et ardents, exprimait seul sa rage. C’était quelque chose de plus hideux qu’une bête féroce, de plus monstrueux qu’un démon : c’était un homme auquel il ne restait rien d’humain. »

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Ce Han est absolument misanthrope, il déteste l’humanité et bien qu’étant homme, il boit le sang de ses victimes humaines dans un crâne (on est bien dans le style gothique).

Alors, est-ce le mal absolu que Victor Hugo aurait voulu nous dépeindre ?

Pas tout à fait, car Han d’Island a des raisons d’être méchant et un vrai lien à l’humanité. 

Dans le passé, le brigand a violé une femme et il a un fils. Han d’Islande aime ce fils, mais celui-ci est assassiné par un soldat.

Le roman commence par une scène à la morgue très vive, riche de dialogues, digne d’une série américaine. On se demande quelle est l’identité du cadavre car son visage a été mutilé, pour découvrir plus tard qu’il s’agit du fils de Han. Pourtant, les personnages présents dans la morgue attribuent le crime au fameux brigand. Il y a donc tout un discours sur ce Han d’Island, et on apprend que parmi ses méfaits, il a brûlé le toit de la cathédrale. Encore une fois, l’a-t-il fait par pure méchanceté ? Non, pas tout à fait. Il se trouve que son fils travaillait dans une mine de cuivre, et que les ouvriers de cette mine n’avaient pas de travail. Reconstruire la toiture de la cathédrale allait donner du travail à tous les ouvriers de la mine. Le fils mort, Han tue tous les soldats de la garnison qui a participé à l’assassinat de son fils.

Han vole le cadavre de son fils et en conserve le crâne dont j’ai parlé plus haut pour boire le sang de ses victimes.

Avouez aussi que le portrait qu’en fait Victor Hugo révèle une profonde animalité !

Han d’Island ne vit pas seul. Il partage la vie d’un ours qu’il appelle Friend, un ami dont il prend le plus grand soin, au point de lui porter secours alors qu’il avait l’occasion de tuer le héros du roman.

Victor Hugo démontre ainsi que la misère engendre bien souvent les pires extrémités.

Han d’Island est un roman peu connu, pourtant très vif et intéressant car il annonce un grand nombre de thèmes que Victor Hugo traitera dans ses futurs œuvres (Notre-Dame de Paris, L’homme qui rit).